Aujourd'hui je vous propose l'interview de Sébastien Gonfroy, consultant spécialiste des relations presse.
Sébastien vit à Paris. Nous avons étudié à la même école (l'ISCOM), sommes devenus amis et travaillons parfois ensemble. Sébastien est un garçon généreux (vous ne pourrez que le remarquer avec à cette longue entrevue ;)). Son approche professionnelle des médias est juste, sa stratégie affinée et il possède toutes les compétences relationnelles nécessaires à un bon attaché de presse. Dans cette interview, il nous livre sa vision globale de ce que sont devenues les relations presse depuis la montée en puissance du web et des réseaux sociaux.
Toi :
Céline : Comment t'appelles-tu ?
Sébastien, c’est un prénom long, mais je l’aime bien.
Céline : Sous quel pseudonyme peut-on te retrouver sur internet ?
Souvent sous mon nom, @Sebgonfroy sur twitter. J’ai passé l’âge d’avoir un pseudo comme quand on faisait du jeu en réseau avec les copains. Et puis j’assume ce que j’avance. Quand on devient travailleur indépendant, notre nom devient notre marque. Une marque qu’on n’a pas besoin de déposer et qu’on ne peut pas nous contester.
Céline : Quel âge as-tu ?
25 ans … depuis bientôt 7 ans !
Ta personnalité :
Céline : Quels sont les adjectifs qui te correspondent le plus ?
Humaniste, écologiste, féministe de droite. Catholique pratiquant mais non croyant. Ambitieux tempéré. Je ne cherche pas le paradoxe mais l’équilibre.
Céline : Peux-tu nous décrire plus en détail ta personnalité ?
J’essaye, et je dis bien j’essaye, d’être honnête en toutes choses, tant dans ma vie personnelle que professionnelle. J’essaye d’être honnête avec les autres mais aussi avec moi-même. Ce qui est presque plus difficile : ne jamais trahir ce à quoi l’on croit.
Je donne facilement ma confiance mais il ne faut pas la trahir.
Je suis quelqu’un de susceptible et même de rancunier. Mais je me soigne.
Céline : Tu ne viens pas du monde du web, mais, nous allons le découvrir ensemble, tu as du te tourner vers ce media. Aujourd'hui, te considères-tu comme étant web-addict ?
Si je le suis, alors on l’est tous. Je pense que j’ai totalement intégré le web à ma vie de tous les jours. Mais suis-je addict ? Je fais partie de ceux qui commencent à se demander : « mais comment on faisait avant ? ». Notre génération est intéressante. Le web, c’est comme l’Euro. On n’est pas né avec mais on l’a intégré depuis sa création. Ceux d’avant ont vécu sans. Ceux d’après n’auront rien connu d’autre.
Tes compétences :
Céline : Quel est ton parcours ? Depuis quand exerces-tu ta profession d'attaché de presse ?
Je l’ai découvert à bac+2, en 2003. A partir de là, j’ai fait tous mes stages d’étudiant dans ce secteur (conso, sport, santé). Mon premier poste en 2006 était en politique. Puis je me suis orienté vers le développement durable et l’institutionnel. Je connais ce métier parce que j’y ai vraiment goûté à toutes les sauces. Et bonne nouvelle... je ne m’en lasse pas ! Grâce à cet enthousiasme et à cette expertise, je me suis lancé à mon compte fin 2012.
Céline : Quelle est, selon toi, l’importance des relations presse dans une stratégie de communication ?
Je pense qu’une stratégie c’est faire des choix. Donc par principe, aucun outil n’est important, ou indispensable. Force est de constater que les relations médias trouvent généralement une utilité dans une communication 360. Car les médias, grâce à leur richesse et leur diversité, offrent toujours un format permettant d’accueillir le message. Mais je suis quelqu’un qui n’hésite pas à dire à un client que ce n’est pas utile, ou simplement pas le moment de s’adresser aux médias ou à la presse. C’est pour cela que j’ai créé ma société A Ceci Près. Tout réside dans l’idée que malgré une concurrence forte, il y a souvent ce petit détail qui fait que l’on est différent. Dans notre village globale (comme dirait Marshall McLuhan) où l’on cultive volontiers l’égalité et la singularité voire la différence, il faut être stratégique. Il faut faire un pas de côté pour sortir du rang, jouer des nuances.
Ton métier :
Céline : Voilà plusieurs années qu'avec l’émergence du web 2.0 et du web social, les relations presse sont bouleversées. Qu'est-ce que cela a changé pour toi ?
Cette question peut être traitée sous différents aspects. C’est compliqué d’y répondre. Tant qu’il y aura des journalistes indépendants et investigateurs, cela ne changera rien. Il faudra continuer de convaincre. Peu importe que cela se passe sur twitter ou lors d’un déjeuner. Après, sur la façon d’exercer, cela ouvre le champ des possibles et laisse libre cours à la créativité.
Céline : Penses-tu que ces bouleversements s'accélèrent d'autant plus aujourd'hui ?
Ce qui s’accélère, c’est le temps de l’information. Les RP font comme toutes les disciplines de la com, elles suivent les évolutions. Le problème c’est que nous sommes dans un métier qui doit souvent prendre en compte d’autres temps. Ceux de la justice, de la diplomatie, de la recherche médicale ou simplement le temps de la réflexion. Pouvoir communiquer plus rapidement, plus directement et souvent de manière plus synthétique -en 140 caractères par exemple- peut plutôt faire prendre le pas de la rumeur. Je ne veux pas passer pour un rétrograde, je pense juste que le web ne doit pas attaquer la qualité des échanges.
Céline : Selon toi les RP traditionnelles et les RP 2.0 peuvent-elles ou doivent-elles être dissociées ?
Je pense qu’il ne faut pas les présenter comme deux disciplines différentes. D’ailleurs je ne suis pas sûr de savoir réellement ce que sont les RP 2.0. Le 2.0 c’est utiliser les outils du web ? Est-ce s’adresser aux journalistes du web ? Aux blogueurs ? Si mon boucher m’envoie une newsletter, est-ce qu’il fait de la boucherie 2.0 ? Finalement je préfère répondre par une question. Que met-on derrière tout ça ? Sachons continuer à faire notre métier en prenant le virage du moment.
Céline : Plus il y a de sources et plus il y a de potentiels émetteurs d'information, as-tu dû mettre les bouchées doubles au sein de ton travail ?
Il y a de plus en plus de médias, de versions en lignes des médias traditionnels et de blogs. Les médias d’informations se spécialisent de plus en plus. Les espaces d’expressions se multiplient, leurs audiences se réduisent, en fait se répartissent mais sont souvent plus captives. Tout le monde peut donc aujourd’hui jouer sa partition. Pour nous cela veut dire être plus attentif et plus curieux. Faire du contact utile et travailler sur un plan média plus malin. Les bouchées doubles, non, mais multiplier les contacts, oui.
Céline : Les sources des journalistes changent. On sait qu'ils utilisent Twitter, Facebook... pour s' « alimenter »? As-tu dû te mettre sur ces réseaux pour faire valoir les produits/services/actualités de tes clients ?
Les journalistes sont devenus blogueurs pour certains car ils veulent parfois s’exprimer en leur nom. Ils sont multi supports et parfois multi sujets. De plus en plus pigistes. Il faut être courageux pour vouloir devenir journaliste aujourd’hui. J’espère qu’ils s’alimentent ailleurs que sur les réseaux sociaux et que sur Wikipédia, qu’ils continuent de travailler leurs sources. Après, les rédactions se réduisent et se fonctionnarisent. Les journalistes sortent de moins en moins. Les conférences de presse se vident et se raréfient. Les journalistes ne rencontrent plus leurs sujets dans la rue mais sur le web. Donc il faut bien les croiser quelque part. Le web, c’est la nouvelle agora.
Céline : On connaissait les fameux dossiers et communiqués de presse, mais les attachés de presse doivent-ils décliner d'autres supports plus adaptés au web pour atteindre les blogueurs/journalistes web ?
Je n’observe pas de nouveaux outils. Ils prennent des formes différentes. Un dossier ou un communiqué de presse n’a finalement pas de forme traditionnelle. J’en ai vu de toutes sortes. Que leur forme se digitalisent, peu importe, les journalistes auront toujours besoin de sources d’information. Les outils de web-conférences fonctionnent bien et acceptent tous les formats. En ligne, nous sommes face à des multimédias ; il faut pouvoir les nourrir. Un dossier de presse sur clé USB peut-être composé de visuels, de films, de sons et d’infographies, mais il reste un dossier de presse !
Céline : Les blogueurs renommés sont devenus des influenceurs au même titre que les journalistes. Pour les toucher, as-tu une approche différente qu'avec les détenteurs de la carte de presse ?
Je me rappelle qu’en 2007, lors de la campagne présidentielle, nous nous posions encore la question de l’accès des blogueurs aux salles de presse. Face à la contestation des journalistes, des espaces réservés leurs étaient ouverts. Les journalistes, parfois blogueurs eux-mêmes, ne souhaitent pas particulièrement partager les mêmes espaces que les blogueurs et inversement. Aujourd’hui les métiers du web sont extrêmement structurés. Je pense que ce n’est pas aux attachés de presse de s’occuper de ce public. Ils ont des attentes spécifiques. Cependant il faut pouvoir se tourner vers eux si besoin.
Céline : Chaque jour la toile accueille de nouveaux blogueurs, influenceurs, médias, etc. Comment fais-tu pour tenir à jour tes fichiers presse ?
En ce qui concerne les blogueurs, comme je le disais, je ne suis pas particulièrement en veille. Par contre les médias aiment de plus en plus parler d’eux-mêmes. Il faut être curieux et attentif.
Céline : Avant, il y avait le fameux « book de retombées », mais aujourd'hui... ? La toile est VASTE... comment arrives-tu à mesurer les retombées presse que tu obtiens online ?
Les clients sont toujours demandeurs des retombées, de les qualifier, de les quantifier. Même si c’est sur le web, ils aiment pouvoir les imprimer. Les communicants évoluent parfois plus vite que leurs clients. Les veilles traditionnelles existent toujours. Mais cela coûte de l’argent et parfois on paye pour un contenu gratuit. Lorsqu’on a une dépêche AFP aujourd’hui, elle est souvent reprise à l'identique par de nombreux médias en ligne. Faut-il les considérer comme autant de retombées ? Pour ma part, je pige la dépêche et explique à mon client qu’elle a été reprise tant de fois et cite les médias si je le peux. Parfois, donner un nombre de retombées à son client revient à additionner des choux et des carottes. La pédagogie a du bon.
Céline : Avec tout ce que l'on vient de voir, aujourd'hui finalement, à quoi ressemble ta journée type ?
Du contact, du contact et toujours du contact. Encore une fois, mon métier est de convaincre et d'expliquer. Le web doit rapprocher, mettre en contact. Il doit garder sa vocation, être un outil de communication. Le reste c’est de l’humain. Le client aura toujours besoin de conseil, l’attaché de presse de pouvoir de persuasion et le journaliste de conviction.
Céline : Quelles sont, selon toi, les qualités requises pour être un bon attaché de presse en 2014 ?
C’est la curiosité. Il faut pouvoir s’ouvrir à des sujets que l’on ne maîtrise pas à la base pour les vulgariser et les restituer de manière à être compris par le plus grand nombre. Et il faut aussi savoir ouvrir des magazines que l’on ne lirait pas, regarder des programmes TV que l’on ne regarderait pas ou s’aventurer sur le web là où l’on n’a pas l’habitude d’aller pour soi. Car il y a là d’autres publics que l’on aura très certainement à toucher un jour.
Ta vision de l'avenir :
Céline : Comment envisages-tu l’avenir des relations presse ?
Je ne l’envisage pas vraiment. Je vais déjà essayer de continuer à le comprendre. Ce que j’espère c’est que les médias et les journalistes resteront libres. Et entendez le bien, la mainmise des marques m’inquiète bien plus que celle des pouvoirs politiques. Il ne faut pas que les entreprises, qui aiment à faire du brand content, viennent à se substituer aux médias d’information. Même si je considère que les entreprises aujourd’hui doivent prendre la parole. Elles sont des interlocuteurs crédibles voire même souvent tout à fait légitimes. Pourquoi Coca-Cola ne parlerait pas hydratation après tout ? Par contre les médias doivent rester indépendants. D’ailleurs le combat idéologique entamé par les journalistes de Libération actuellement est absolument passionnant. Il est même possible que cela remette un peu les choses en place.
Céline : Quelles sont tes attentes par rapport au web de demain ?
Le web de demain ne doit pas oublier qu’il évolue dans un monde bien plus vieux que lui. Que les liens entre les hommes, que leurs rapports à la liberté, à la communication, à l’information n’ont pas attendu le web pour évoluer, exploser puis se réinventer à chaque fois. C’est au web de s’adapter à l’homme et pas l’inverse.
Conclusion :
Céline : Une idée d'une prochaine personne à interviewer ?
Sylvain Lapoix. On s’est rencontré en 2007, lors d’une campagne présidentielle qui voyait arriver les chaînes d’info en continu, les médias nés en ligne et l’accélération de l’information. Il fait partie d’une génération de journalistes pionniers qui ont intégré toutes les capacités du web à leur métier et qui ont été les premiers à faire du data journalisme. Et c’est un excellent journaliste.
Sinon il y a Antoine Régis, le talentueux créateur de Chictypes.com. Avec son concept, il a repensé la façon de relooker les hommes. Ce n’est pas du e-commerce, c’est utiliser les possibilités du web pour recréer du contact avec les clients. Ils ont tout compris.
Céline : As-tu quelques chose à ajouter ?
Oui. J’aime mon métier et donc j’aime le transmettre. Je suis en mesure de proposer des formations qui entrent dans le cadre de la formation professionnelle, DIF et autres... Donc si des personnes souhaitent se former, qu’elles me contactent. Google : Sébastien Gonfroy, je ne suis pas difficile à retrouver !.com.
Céline : Sébastien, un grand Merci pour avoir répondu à mes questions et à très bientôt sur Narcissique Blog.
Céline
Interview de Sébastien Gonfroy par Céline pour Narcissique Blog le 20/03/2014